EROTICO-AICHA
Découvrez les textes d'Aicha ...
La neige commence à tomber.
L’homme est assis à même le sol glacial, devant la devanture d’un magasin de chocolat illuminé de mille feux.
Il a sa tête recouverte d’un vieux bonnet dont la couleur reste indéfinissable tant celui-ci est sale. Il parait dormir les yeux ouverts, la tête appuyée contre la vitrine. Il a la peau mate, les yeux sombres, les dents jaunes, le visage entier semble plongé dans une lente agonie.
L’homme s’appelle Nacer. Il a 45 ans et porte ce jour-là, jour de Noël, un vieux manteau râpé et des brodequins apparemment trop grands pour lui.
En cette heure tardive où la nuit noire semble envahir la ville, les rares passants se pressent sur le trottoir gelé sans le voir.
Il a devant lui, posée entre ses jambes écartées, une gamelle de fer destinée à recueillir les quelques pièces que voudront bien lui donner les âmes charitables.
Celle-ci reste désespérément vide depuis le début de la journée. Les gens sont bien trop occupés à préparer leur fête de noël qu’à se soucier d’un pauvre type assis par terre.
Aicha vient de pénétrer à l’intérieur du magasin. Elle a aperçu l’homme assis. La sonnette de la porte retentit dans le silence de la nuit noire, mais l’homme ne bouge pas. On dirait qu’il n’est pas là.
Aicha demeure un moment les bras ballants en face de l’étal de chocolats, sentant comme une légère fièvre accompagnée de frissons se propager dans son dos. Elle choisit alors un ballotin d’assortiments et sort sans rien laisser paraitre, gardant cette expression soucieuse d’un début de soirée. Rien ne laisse soupçonner dans quel état émotionnel elle se trouve depuis son arrivée devant la chocolaterie.
Tandis qu’elle cligne des yeux, sentant le vent glacial lui balayer le visage, elle éprouve deux sentiments contradictoires se demandant si le second, l’excitation, n’est pas une sorte d’écran destiné à évincé le premier, une sorte de peur de paraitre. Plus elle y pense, plus son excitation augmente comme pour la détourner de ses habitudes de faux semblants, d’attitudes aux normes de la société et lui représenter la chance qu’elle a d’être enfin la femme épanouie qu’elle cache au fond d’elle-même.
Elle s’approche de l’homme. Reste plusieurs secondes plantée devant lui sans un mot. Elle cherche à se rappeler comment aborder un inconnu et s’aperçoit que celui-ci lui sourit.
Cette fois elle est seule sur le trottoir, face à Nacer, plus aucune forme humaine ne vient hanter la rue sombre, si elle voulait elle pourrait disparaitre mais se sent, d’un coup, légère.
Pendant des années, enfermée dans le cercle de la routine, elle s’est appliquée à ne pas prendre en compte ses sentiments cachés. Elle a vécu suspendue à un fil invisible sans se soucier de son cœur, de son corps qui criait dans l’ombre de ses idées combattues.
Elle se sent attirée par cet homme et demeure un instant sans voix, puis lui tend la main, poussée par une force sourde lui imposant d’aller de l’avant et d’écouter son corps.
Le temps semble figé, exactement comme si cet instant de sa vie s’était contracté et que plus rien ne lui ferait oublier ce moment.
Secouant légèrement la tête, transporté par cet enchantement, Nacer ne parvient pas à y croire. Il regarde un instant la rue pour s’assurer qu’il est toujours assis au même endroit. Cette femme si distincte, si vivante, si belle, lui fait un signe. Il doit réagir.
Comme il appréhende le moment fatidique où elle va sans doute s’éloigner, il préfère lui prendre la main tendue et lui sourire.
Elle a une très belle main, fine et douce.
- Vous vous appelez comment ? lui demande-t-elle
- Nacer, dit-il ; je suis algérien et vous ? demande-t-il après un temps d’hésitation.
- Aicha, répond-elle spontanément, surprise elle-même par tant de sincérité.
A cet instant elle ne cherche pas à savoir si elle est entrain de commettre une bêtise ou pas. Elle a la certitude totale que cet homme lui est destiné. C’est quelque chose de très fort et d’inévitable.
Elle est maintenant si près de Nacer que celui-ci à l’impression qu’elle va tomber dans ses bras comme une poupée de chiffon. Il attend sa réaction et Aicha lui ouvre son cœur, lui parle d’elle, de ses fantasmes, de ses contradictions, de ses deux langages, comme si elle cherchait à hypnotiser l’homme.
Alors Nacer ne peut se retenir plus longtemps ; il a envie de cette femme. Il y a si longtemps qu’il n’a pas goûté au fruit défendu !
Il a envie de se dire qu’il a souhaité de toutes ses forces que cette femme s’arrête et qu’elle s’est arrêtée, ce qui rajoute à sa certitude, c’est l’idée que ce nom d’Aicha, avec le visage et le corps sublime, se fixera dans un endroit précis de sa mémoire et qu’il ne l’oubliera pas.
Aicha poussée par un besoin d’aider l’homme, de le sortir de cette nuit glaciale, de réveiller son envie de vivre et de satisfaire un plaisir partagé, elle s’est agenouillée doucement face à lui.
- Que puis-je faire pour vous Nacer ?
Elle était tellement excitée, tellement impatiente à l’idée d’aider cet homme dans ses désirs les plus fous ; elle savait qu’à présent elle avait la force de faire le grand écart entre la normalité, ses idées de combattre toute forme de soumission et de domination masculine, et son anormalité, ses désirs inassouvis de soumise, ses fantasmes d’être dominée par l’homme, elle savait qu’elle ne voulait plus combattre cet instinct de femme épanouie.
La jupe relevée, les cuisses ramenées contre sa poitrine ferme, sensible, elle observe Nacer avec des yeux brillants de désir, alimentés par un courant électrique à haut voltage.
Elle laisse celui-ci lui caresser les cheveux ; l’espace de quelques secondes elle a l’impression de quitter son corps pour le sien et de se sentir elle aussi grelotter et puer sur ces cartons posés à même le sol.
Ils restent tous deux serrés l’un contre l’autre, main dans la main dans la clarté blanche de l’anormalité.
Aicha est saisie d’une envie de dissoudre cette barrière qu’elle a mise inconsciemment dans son esprit avec la sensation soudaine presque excitante, d’être dans un monde imaginaire où ses rêves de soumission seraient exhaussés.
Elle a, l’espace de quelques instants, l’impression de vivre en suspens, le cœur libre, l’esprit disponible tel qu’elle voudrait toujours être.
Il existe un monde où elle est une adepte du combat, d’une vie terne et remplie de faux semblants et un autre où elle est vivante et femme épanouie.
Mais au moment où Aicha sent la chaleur de son corps se propager jusqu'à Nacer offrant à celui-ci l’émotion intense du plaisir d’être avec une femme,
comme surgi d’une époque lointaine lui revient l’image de cet homme sale, dégoutant, couchant sur le trottoir. Elle se relève d’un bond, rajuste sa jupe et s’enfuit sans se retourner.
De cet univers vertigineux Aicha vient de vivre ce monde parallèle où elle apparait comme jeune femme soumise et épanouie, c’est dans cet univers là qu’elle a croisé Nacer et lui a offert son plus beau jour de noël !
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